Une oeuvre audacieuse qui boulverse les codes établis

Nourrie d’une invraisemblable quantité de références et de citations, l’œuvre affirme cependant une authenticité rarement atteinte dans l’histoire du théâtre français.
La structure de la pièce s’apparente à un drame historique mais les personnages vulgaires, trouillards et cupides n’ont rien reçu en héritage des héros Shakespeariens sinon la posture, la force dionysiaque et l’autorité de répartie.
Ubu Roi est la mise en scène carnavalesque du pouvoir absolu comme pouvoir du mal dominé et dirigé par l’engrenage aveugle de l’argent et de la guerre. Une œuvre prophétique, écrite en une suite de différents titres, par une jeune plume inspirée et débridée.
Le père et la mère Ubu, couple ordinaire et sans enfant, en sont les deux personnages principaux.
A l’instigation de son épouse, le père Ubu, tel un Macbeth de pacotille, fomente une conjuration pour renverser Venceslas, le roi de Pologne. Le putsch est mené avec rapidité. Le roi tué, Ubu se rue sur la couronne et le peuple se rallie immédiatement au nouveau monarque. Sa réussite est d’autant plus surprenante et effrayante qu’Ubu ne fait preuve d’aucune qualité mais collectionne par contre avec arrogance les défauts les plus grossiers.
Une fois roi à la place du roi, plus rien ne l’arrêtera pour obtenir ce qu’il veut : « …manger de l’andouille, posséder une grande capeline et s’enrichir ». Lorsque ses espérances seront déçues, il se lancera, stratège conquérant, à la tête d’une armée contre le Czar et la Russie. En bon tyran, il faut non seulement « endormir le peuple », le leurrer par des distributions d’argent, organiser des jeux de divertissement mais aussi éliminer tout adversaire potentiel ou tout témoin de ses manigances. Ses fonctions politiques avaient montré sa cruauté et sa cupidité, ses fonctions militaires révéleront toute l’étendue de sa couardise et de sa lâcheté. Cependant surpris par la vengeance de Bougrelas, le fils cadet de Venceslas assassiné, sous-estimé par père Ubu, Ubu est littéralement écrasé par l’ennemi mais, comme dans les bons films d’horreur, il renaît de ses cendres annonçant peut-être de nouvelles aventures à venir.
LA SINGULARITE DU PROCESSUS DE CREATION DE L’INFINI
Par un véritable tourbillon de création, Jarry dénonce les travers universels du pouvoir : le théâtre n’est plus un lieu de divertissement pour un public avide de pièces faciles mais un véritable lieu d’expérimentation esthétique.
Le « merdre » d’ouverture qui avait tellement choqué les spectateurs de l’époque congédie quelque chose du passé pour rouvrir le rideau sur une véritable révolution dramaturgique. Ubu incarne la désillusion face à une vie politique décadente où crises et scandales se succèdent avec une légèreté désarmante, digne d’un feuilleton à sensations. Ubu, l’homme providentiel fédérateur est définitivement discrédité, l’homme providentiel est joué par un imposteur.
La compagnie investie d’une idéologie profonde, moteur de sa création, tente de remettre en question chaque choix esthétique en fonction de l’œuvre abordée. L’Infini ne se contente pas d’un discours alibi qui justifierait sa pratique. Il se plait au mélange des genres pour y chercher sa singularité de langage et réinventer chaque jour la forme de son théâtre. L’œuvre nous invite donc à une jubilante expérience de subversion. Théâtre dans le théâtre, artifices, faux nez, masques, grimaces et fantaisies seront infiniment de la partie.

DISTRIBUTION
France Bastoen: Mère Ubu
Vincent Huertas: Père Ubu
Laure Voglaire: La reine Rosemonde, la bonne, une playgirl, une paysanne, une tortionnaire
François Langlois: Le roi de Pologne, un partisan, un paysan, un tortionnaire, un soldat, le Czar de Russie, et d’autres
Réal Siellez Bougrelas: un partisan, un tortionnaire, un paysan, un soldat, et d’autres
Luc Van Grunderbeeck: Le capitaine Bordure, un paysan, et d’autres
Régie de plateau, en alternance
Et différentes figurations : Arthur Ferlin et Paul-Henri Crutzen
Mise en scène: Dominique Serron
Conseiller artistique: Laurent Capelluto
Assistants stagiaires: Sarah Gabillon
Scénographie & costumes: Christine Mobers
Création Lumières: Franco Desautez
Création masques, nez: Lucia Picaro
Invention mobilité des poupées: François Langlois
Assistante pourpées et masques: Elodie Vriamont
Administration: Vanessa Fantinel
Communication: Sylvie Perederejew
Graphisme: Manon Meskens
HISTORIQUE DE CREATION
Au Théâtre de la Place des Martyrs
Du 12 novembre au 12 décembre 2015