Une infernale tradition d’honneur et de gloire

Chimène et Rodrigue s’aiment. Suite à la désignation du père de Rodrigue à de hautes fonctions, une querelle éclate entre les rivaux qui sont aussi les pères des deux amants. Le père de Chimène, jaloux, humilie l’âge et la dignité du père de Rodrigue. Une infernale tradition d’honneur et de gloire pousse alors Rodrigue à entrer dans la riposte en faveur de son père et à tuer le père de Chimène. Ce même code de réciprocité force ensuite Chimène à venger son père en poursuivant son assassin, qui n’est autre que l’homme qu’elle aime. Leur amour pourtant si sincère est tyrannisé par des lois ancestrales que leur grandeur veut cependant respecter.
Des débats d’intention les guident tous deux sur les chemins authentiques qu’ils ne veulent en aucun cas sacrifier à leur désir. Ils sont prêts à rendre rigueur à la fatalité pour rester dignes, l’un de l’autre, dans leur malheur.
La douleur des amants déchirés est par ailleurs mise en tension avec un autre destin désespéré, celui de l’Infante qui aime secrètement Rodrigue et ne peut se résoudre à accepter l’intensité de cette inclination.
En présentant Chimène à Rodrigue, elle croyait abdiquer en faveur de sa raison et se résigner à ne pas poursuivre un projet amoureux auquel son rang ne lui donne pas droit, cependant la force de sa passion l’emporte et sa prudence vacille.
Un rebondissement inattendu permet alors à Rodrigue de se distinguer aux yeux du roi par l’accomplissement héroïque d’un combat mené contre l’attaque des Maures. Cette distinction fait de lui un grand chef militaire dont l’Espagne aura désormais besoin. Le roi veut dès lors gracier Rodrigue et le libérer de son destin tragique. Mais Chimène s’obstine et par amour pour son père défunt, elle se dit dans le devoir irrévocable de venger sa mort par celle de Rodrigue.
Ces nouvelles circonstances rouvrent aussi la blessure de l’Infante qui ne voit plus d’obstacle à aimer celui qui est à présent honoré du titre de Cid et rendu à la hauteur de sa condition royale. Pour garder Rodrigue en vie, et laisser peut-être une chance à son amour, elle rappelle Chimène à sa responsabilité vis-à-vis de l’Espagne et tente ainsi d’infléchir sa détermination à tuer celui qui avait donné la mort à son père.
Notre Cid
Comment l’authenticité impétueuse de chaque instant peut-elle vaincre, par son intégrité, les obstacles que l’existence dresse sur notre chemin ?
Corneille ne rédige pas un inventaire de ce qui lui semble bien et méritoire. Il ne nous dit pas que Rodrigue et Chimène ont raison d’être de bons et dignes enfants de leurs pères ni qu’il est exemplaire de respecter les traditions, si barbares soient-elles !
Il nous expose des mécanismes qui nous renvoient à des valeurs et nous interpellent dans les contradictions les plus variées.
Nous allons laisser voir ce père de Rodrigue face à sa vieillesse et qui projette sans scrupule son incapacité en décidant pour son fils. Nous allons laisser voir aussi à quel point le père de Chimène souffre de voir un autre désigné à sa place, alors qu’il se croyait mériter cette place d’honneur en toute légitimité. Nous allons raconter comment une justice centralisée va remplacer des codes barbares et inhumains pour soulager la vie de la violence de la réciprocité.

Nous allons tenter de montrer un roi qui n’est pas objet de critiques, mais qui ménage cependant ses intérêts les plus immédiats dans une situation politique tendue.
Nous allons mettre en jeu l’infernal effet de miroir qui brûle le regard poignant des amants déterminés. Rodrigue a voulu défendre l’honneur de son père en se risquant à un combat pour lequel il n’était pas préparé. L’auteur nous montre en le laissant gagner que « la valeur n’attend pas le nombre des années… », mais aussi que la détermination que nous avons à nous confronter aux choses définit davantage notre possible que la maîtrise à laquelle nous nous serions préparés.
Son acte courageux illumine sa noblesse et le rend encore plus séduisant. Cet acte que maudit Chimène nourrit l’amour qu’elle avait pour lui et le transforme en une véritable passion à laquelle elle ne peut que répondre par un retour à la hauteur de son immense grandeur. Nous allons donner corps à cet amour incandescent, que les actes de courage enferment dans une spirale d’ivresse. Là où désirer le désir de l’autre, qui désire lui-même le désir de l’autre, se tord en une rhétorique de sang, d’épée et de mort. Ils affronteront le langage jusqu’au bout de leur raison et par la force du verbe transcenderont l’impossible à dire.
DISTRIBUTION
Mise en scène : Dominique Serron
Assistanat à la mise en scène:
à la création: Antoine Cogniaux, Valentin Demarcin, Florence Guillaume, Géraldine Platbrood
à la reprise: Florence Guillaume
Scénographie et costumes: Christine Mobers
Assistante scénographie: Chloé Dilasser
Réalisation des costumes: Chloé Dilasser & Bert Menzel
Création lumières: Nicolas Olivier
Régisseur son et lumière: Bruno Smit
Régisseur plateau: Luis Vergara Santiago
Rodrigue: Fabrizio Rongione
Chimène: Laure Voglaire
L’Infante: Alexia Depicker
Le Roi et Don Gomès: François Langlois
Don Diègue: Toni d’Antonio
Don Sanche: Vincent Huertas
Don Arias: Abdel El Asri
La suivante: Daphné D’Heur
(Ces huits partitions sont jouées en tournée en alternance avec Laurent Capelluto, Patrick Brüll, Julien Lemonnier et Luc Grunderbeeck)
France Bastoen a interprété le rôle de Chimène lors de la création.
HISTORIQUE DE CREATION
Créé le 7 novembre 2013 au Théâtre de la place des Martyrs
Nominé aux Prix de la Critique 2013-2014 dans la catégorie « meilleure mise en scène »
En tournée en 2014, 2017 et 2018.
MENTIONS LEGALES
Une production de l’Infini Théâtre en partenariat avec le Théâtre des Martyrs
Partenariat de soutien en pré-achat : les CC d’Arlon, Soignies, Nivelles et Ottignies et le Palais des Beaux-Arts de Charleroi.